L’utilisation des sociétés civiles immobilières (SCI) connait un succès croissant pour acquérir, gérer et transmettre un patrimoine immobilier. On constate que les SCI permettent de se constituer un patrimoine immobilier important, le droit fiscal permettant d’opter, ou non, pour l’impôt sur les sociétés. De même les règles de démembrement des parts de SCI peuvent faciliter la transmission d’un patrimoine. Cependant la SCI reste une personne morale et il n’est pas possible d’y faire n’importe quoi, sauf à engager la responsabilité du ou des gérants. Un minimum de vie sociale doit également exister.
Le régime de responsabilité des SCI
L’analyse du champ d’application des délits spécifiques commis dans le cadre des sociétés exclut les SCI. Cette règle ressort du caractère civile des SCI (et peut être du caractère très personnel de ce type d’organisation impliquant la responsabilité étendue des associés).
Cette exclusion n’est cependant pas totale et les délits de droit commun commis par des gérants dans le cadre de leur fonction sont punissables pénalement. Il en est ainsi notamment des délits suivants : abus de confiance qui trouvera à s’appliquer en cas de détournement de fonds sociaux par le gérant ; escroquerie ; faux et usage de faux ; délits assimilés aux banqueroutes ; délits fiscaux.
Les délits commis dans d’autres domaines du droit trouvent également à s’appliquer (droit du travail, de l’environnement, de l’urbanisme…). La SCI est également responsable pénalement en vertu des textes sur la responsabilité des personnes morales. La responsabilité civile du ou des gérants en cas d’opérations contestables peut être également engagée. Cette responsabilité pèse non seulement sur les gérants de droit mais également les gérants de fait.
Les SCPI font l’objet d’une réglementation particulière liée au fait qu’elles font appel à l’épargne publique. Les manquements aux règles spécifiques en la matière sont sanctionnés pénalement.
Les opérations à risque de la SCI
Cette responsabilité peut être mise en cause lors de l’achat d’un bien à des conditions anormales. Ainsi l’acquisition d’un immeuble (par achat pur et simple ou apport d’un associé en contrepartie de parts sociales) est un cas où un associé qui s’estimerait lésé pourrait contester. Nous sommes dans le domaine du droit patrimonial et il peut y avoir sur ou sous-évaluation du bien apporté. Le préjudice peut être au niveau de l’associé lésé par un apport surévalué ou d’un membre de la famille qui contesterait le prix trop bas du bien transféré. Il est à noter que le délit de surévaluation des apports qui existe dans les sociétés de capitaux ne s’applique pas aux SCI. Ceci s’explique par la responsabilité indéfinies des associés. Cette exclusion n’est pas un blanc-seing donné au gérant qui peut se voir condamné au titre de l’abus de confiance ou escroquerie pour ce délit.
Le risque pour le gérant est à trois niveaux :
- responsabilité fiscale, l’administration dispose de plusieurs moyens pour contester la minoration du prix dont l’utilisation de la notion de l’abus de droit ;
- responsabilité civile, un membre de la famille ou autre créancier pourra engager la responsabilité civile du gérant ;
- responsabilité pénale qui est souvent considérée comme l’arme ultime notamment lorsque l’opération s’est accompagnée de manœuvres frauduleuses. Le délit d’escroquerie pourra alors être invoqué.
Ces mêmes risques existent pour toutes les opérations dont une des contreparties est le gérant ou un des associés (ex. vente ou location d’un par la SCI à un associé). Pour éliminer ou limiter ces risques, le gérant aura intérêt à s’appuyer sur une expertise indépendante et suivre les règles juridiques et sociétaires pour éviter les contestations futures.
Responsabilité fiscale du gérant de SCI
La SCI est une société, elle doit tenir une comptabilité, déposer ses déclarations et payer ses impôts. Le non-respect de ces obligations va entraîner des sanctions fiscales pour la SCI et une responsabilité pénale pour le ou les gérants.
L’administration fiscale scrute particulièrement certaines opérations réalisées entre la société et les associés. Il en est ainsi des opérations par lesquelles un associé apporte un immeuble en contrepartie de parts sociales ou fait un vente pour et simple. Dans ce dernier cas, l’opération n’est pas illégale mais l’administration fiscale est tentée d’invoquer l’abus de droit notamment si la société est considérée comme fictive ou si l’opération a un but exclusivement fiscal.
Quelques conseils de bon sens
En cas de problème, le caractère autonome de la société (ou absence de fictivité) devra être démontré. Ceci implique que la vie sociale doit exister avec des assemblées générales ordinaires et extraordinaires. Les procès-verbaux de ces assemblées doivent être dressés et signés. La société doit arrêter un bilan annuel et tenir une AGO tous les ans. La comptabilité doit être tenue et les pièces justificatives doivent être conservées.
Conclusion
Le risque de responsabilité est d’autant plus grand qu’il est pernicieux et souvent mal perçu par les associés et par les gérants de SCI. Au départ du montage (souvent conseillé par des professionnels compétente (avocats, notaires, experts-comptables…)) tout va pour le mieux entre les associés qui trouvent le montage intéressant. Mais les risque de mésententes augmentent avec le temps surtout lors de transmission des parts dans des familles décomposées et recomposées. Les membres estiment lésés hésitent de moins en moins à attaquer les responsables sur le plan pénal.
Signalons enfin, que pour décourager les associés qui pourraient être tentés de transférer des biens dans un SCI afin d’éviter des saisie en cas de mise en cause pénale, la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 23 mai 2013 a autorisé la saisie pénale conservatoire d’un bien d’une SCI lorsque les associés sont susceptibles d’être mis en examen. Cette décisions s’appuis sur l’article 131-21 du Code pénale et de l’article 706-141 du Code de procédure pénale.